1) Les
moulins
à eau du Thouet et le moulin de Saumur
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Apparus les premiers au Moyen Age, les moulins àeau sont
nombreux tout le long du Thouet et sur ses petits affluents.
pêcheurs et riverains, évoqués plus haut. A la fin du XVIIIe siècle, l'un de ces moulins céréaliers,
situé à Distré, est transformé en moulin à cuivre,
afin de battre des plaques métalliques.
Dans la ville même de Saumur, il n'a existé, durablement,
qu'un seul moulin à eau. Encore n'est-il pas de type courant :
le Moulin Pendu est installé sur le minuscule bras de ce nom, entre l'île d'Offard, en haut, et l'îlot Sancier, en bas ( ce plan de Prieur-Duperray est orienté vers
le sud, la boire est aujourd'hui remplacée par la
rue Montcel ) ; accolée au flanc aval de l'arche de
Mauconseil, portant la grande rue des Ponts, la roue
à aubes pouvait être réglée en hauteur en fonction de
l'abondance des eaux. Ce système de moulin pendu
est bien adapté aux fortes variations du niveau de la Loire.
La roue entraîne des meules installées sur la rive sud de la boire, du côté opposé à la Maison de la Reine de Sicile, dont on reconnaît l'enclos débordant sur la rue vers le bas à droite. L'autorisation de bâtir ce moulin, accroché à un ouvrage public, est accordée par le prieur-baron d'Offard le 21 mai 1411 à Philippot
Le Foulon et à Jehan Birdoys, des habitants du quartier
( A.D.M.L., H 3 205, acte original, copie plus lisible en H 3 217 ).
Ces derniers devront payer des redevances de 10 livres par an
au prieur et de 40 sous au roi de Sicile. La roue ne tournant qu'au fil du courant et la pente étant faible,
le rendement de ce moulin doit être médiocre. Il passe dans la
famille de Mathurin Delommeau, propriétaire d'une
grande maison voisine, puis aux héritiers de François
Mésanger. Des actes de 1566 et de 1592 révèlent
qu'alors le Moulin Pendu ne fonctionne plus.
Un procès-verbal de 1582 constate qu'il a causé de gros
dégâts à l'arche de pierre ( A.D.M.L., H 2112 ). La voie d'eau, l'emplacement et les matériaux sont vendus
en 1592 à René Prioleau ( A.D.M.L., H 3 217 ). Le moulin
est reconstruit
sous le nom de Grand Moulin, apparemment selon le modèle
classique , avec barrage et chute d'eau ( mais la boire garde
son ancien nom ). Ce moulin est revendu par décret le 7 octobre 1621. Il cesse
désormais de fonctionner. Un document de 1694 précise qu'il
est ruiné et démoli, « à cause du changement du cours de l'eau »,
autre confirmation du changement des courants du fleuve au
profit du grand bras. Les ruines du moulin subsistent
pendant un siècle et demi, apportant un cachet romantique
à la vieille boire envasée. Voir rue Montcel.
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2) L'armada des moulins-bateaux
Sur l'ensemble des moulins, travaux de Christian CUSSONNEAU, plus particulièrement, Moulins d'Anjou, Images du Patrimoine, 1991, revue 303, XXX, p. 66-74 et XLIX, p. 23-27.
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Pendant le Moyen Age et jusqu'au XVIIe siècle,
les moulins-bateaux ont tenu une place importante dans
l'alimentation de la ville. Leur principe est simple : deux barques jumelées encadrent
une grande roue à aubes verticale. Le bateau le plus puissant,
le bac, porte les meules et, souvent, le logement du meunier ;
l'autre bateau, la foraine, est un simple flotteur portant l'axe
de la roue. Cet ensemble est mieux adapté que le moulin
pendu aux variations du niveau du fleuve, d'où son succès. A droite, une maquette de moulin-bateau, réalisée par les Amis des Moulins de l'Anjou. Il suffit de fixer cet ensemble dans un endroit de fort courant. Un simple pieu enfoncé dans l'eau peut le retenir, ce qui était le cas devant les Ardilliers. Cependant, les meuniers préfèrent s'installer à la sortie aval des ponts ; ils fixent leurs embarcations par des câbles accrochés aux piles ; le courant est plus fort au débouché des arches. En outre, ils peuvent accéder au bateau, transborder grain et farine à partir des ponts. C'est donc sur les ponts de la traversée de la ville qu'on les trouve le plus habituellement, parfois sur le bras principal, plus souvent sur les bras des Sept-Voies
ou de la Boire-Torse. Voir plan des lieux vers le XVe siècle. De fréquents conflits éclatent : entre meuniers et pêcheurs, qui
occupent les mêmes zones ; entre meuniers et mariniers, qui, lancés
sous les arches à l'avalaison, percutent les moulins ; avec la puissance publique, qui accuse les meuniers de dégrader les piles et les
parapets. Les accidents semblent fréquents ; par exemple,
un moulin est entraîné par le fleuve jusqu'à la hauteur de la
tour de Trèves ( A.D.M.L., H 2 111 ). D'après François Bourneau,
lors du déluge de 1615, cinq moulins-bateaux sont emportés
par les flots. Au cours du XVIIe siècle, jusqu'à cinq moulins-bateaux sont
implantés sur le bras principal, à la hauteur des Ardilliers
( le courant y est désormais plus puissant ).
A plusieurs reprises, les Pères de l'Oratoire se
plaignent de leur présence, à cause de leur bruit
et de la gêne qu'ils apportent à l'accès de leur port
particulier ( A.M.S., DD 9, n° 99 et 124 ) Sur le rôle du sel du quartier des Ponts en 1685 figurent
sept meuniers qui travaillent sûrement sur des moulins-bateaux
( A.D.M.L., VII B 10 ). Mais c'est à partir de cette époque
que commence le déclin de ce type de meunerie.
Pierre Gaillard, en 1722, constate qu'il ne subsiste plus que
deux moulins-bateaux sur les cinq existant jadis. Ce nombre
de deux reste stable pendant un siècle.
La photocopie ci-jointe est de mauvaise qualité, mais
d'un grand
intérêt, figurant les deux derniers moulins-bateaux de Saumur.
Ils ont été construits en 1812 par Charles Maupassant,
gros négociant en grains et maire de la ville en 1821-1823.
Les moulins ont servi pour l'alimentation - obligatoire - des
Prussiens en 1815.
L'ingénieur Derrien trace ce plan en 1825,
alors que les deux moulins sont attachés
par six chaînes
aux piles méridionales
du Pont des Sept-Voies, qui est encore en service ; trois arches
ont été remplacées par des travées de bois. Les
bateaux sont jumeaux ; les deux grands bacs,
couverts
d'un toit, contiennent
les meules et servent de maison ; au milieu,
les roues à aubes
plates ; deux barques plus petites, les foraines,
portent l'arbre des roues. Ce plan laisse entrevoir les difficultés d'accès
à ces embarcations rectangulaires. Par ailleurs,
le bras de Loire est asséché par un épi qui protège
la construction du pont Napoléon.
Les moulins-bateaux sont détruits peu après.
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3) Du moulin turquois au moulin cavier
Source essentielle : Nicolas JOLIVOT, Saumur, les moulins à vent, dactylographié, vers 1990, Le Saumurois des Moulins et des Meuniers, éd. de l'Anjou, 1994.
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Les premiers moulins à vent de notre région ne seraient pas venus d'Orient, mais des terres anglo-normandes, selon Claude Rivals.
Ils apparaissent vers le XIIIe siècle aux abords de Saumur, à Chaintres, sous la forme d'une tour de pierre cylindrique, qui contenait un pivot de bois vertical et soutenait une cabine de bois orientable. Plusieurs moulins sont signalés sur le coteau
saumurois aux XVe-XVIe siècles, le moulin de Saint-Vincent
en 1452 et d'autres au-dessus de la chapelle des Ardilliers
( A.M.S., I E 6, terrier de l'Aumônerie, fol. 53 ).
Plus performant et causant la ruine des moulins-bateaux, un nouveau type s'impose dans Saumur à partir du XVIIe siècle.
C'est le moulin cavier, qui présente trois parties :
- la hucherolle,
parfois entièrement couverte d'ardoises, portant les
ailes et orientable
grâce à la longue
échelle placée du côté
opposé aux ailes ;
- le massereau,
cône de pierre
supportant un pivot ;
- la masse, impressionnante enfilade de
salles voûtées, souvent à trois "nefs"
dans chaque sens, contenant les meules.
De vastes aires de stockage et la faible
hauteur des meules en font un moulin d'emploi commode.
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4) La multiplication des moulins
Pour l'étude particulière de chaque moulin, voir les fiches de Nicolas Jolivot et A. COMPERA et A. ROUAUD, Moulins caviers en Saumurois, U.P.A.N., 1980.
Pour photos et peinture complémentaires, voir rue des Moulins.
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La gravure de Lincler et Collignon,
remontant aux années 1635-1640,
représente 6 moulins de ce type
dominant la partie orientale de Fenet. Au témoignage de Pierre Gaillard en 1722,
la paroisse de Nantilly compte « environ 24
moulins ». Un registre fiscal de 1785
en recense 25. L'essentiel s'aligne,
en un ensemble spectaculaire,
au sommet du coteau, le long
de la rue des Moulins. Le panorama
très minutieux tracé par Migault en
1773 en figure 20, dont un curieux
moulin-tour, seul de son type à Saumur. Plusieurs autres moulins sont implantés
sur l'autre versant du coteau : les deux moulins Salmon, à l'emplacement actuel de la
Cité technique, les moulins de la Gueule du Loup, deux pendant un temps, placés plus bas, dans le prolongement de la rue de ce nom et cités dès
1668 ( A.D.M.L., H 2903 ) ; enfin, sur un éperon
dominant la route de Varrains, les deux
moulins du Vigneau. L'apogée des moulins de Saumur est
atteint au début du XIXe siècle, avec 34 moulins recensés sur le territoire de Saumur en 1808
et 38 en 1830, année où est construit
le dernier moulin. A ces nombres,
il faut ajouter les moulins de Dampierre,
de Bagneux et de Saint-Hilaire-Saint-Florent
( Colonel SAVETTE, « Les Moulins à vent de
Saumur et des environs », S.L.S.A.S., avril 1934, p. 39-46 ). Cet impressionnant ballet
d'ailes tournant dans le vent constitue-t-il une exception ? Absolument pas. Angers en compte davantage et Doué autant. Plus remarquable, à l'inverse, est
l'exceptionnelle concentration de
27 moulins serrés sur le coteau
dominant la Loire. La décadence est
dessiné d'après photographie en 1873,
il n'en demeure plus que 11.
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5) Les dynasties de meuniers
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Le costume fantastique de meunier présenté à droite n'a rien à voir avec Saumur, mais évoque bien la puissance de ce corps de métier. La construction d'un moulin constitue une
opération d'envergure. La masse et le massereau requièrent un travail de maçonnerie de
précision. Plus complexe encore est la tâche des charpentiers, qui doivent être en même temps "amoulageurs", c'est-à-dire spécialistes
des meules. Les devis découverts jusqu'à ce jour n'offrent pas de totaux exploitables
( ex. S.L.S.A.S., 2003, p. 127 ).
Les moulins à vent de Saumur sont-ils
tous céréaliers ? Le " Moulin à Tan "
aurait pu écraser des écorces, utilisées
ensuite par les tanneurs ; mais n'oublions
pas aussi qu'une famille "Tan" a existé à Saumur ; il s'agit d'apothicaires réformés,
restés à Saumur au XVIIIe siècle.
La construction d'un moulin peut
résulter de visées spéculatives.
L'avocat saumurois Jacques Salmon
de Bonnecourt, premier échevin en
1692-1695, possède déjà les deux moulins
de la Gueule du Loup et fait construire les deux
moulins Salmon
( voir présentation de la Gueule du Loup ). En dépit de ce cas spectaculaire, la majorité des meuniers sont maîtres en leur moulin
et constituent des dynasties. Les Ladubé,
Alleaume, Davy, Mollé ou Razin sont gens apparemment aisés et se marient entre eux.
Leurs revenus leur permettent d'entreprendre la construction d'un second moulin proche
du premier, en général plus vaste et qui
deviendra leur habitation. C'est pourquoi
les moulins sont souvent en couple sur le territoire de Saumur. Cela explique aussi qu'au
que 14 meuniers, quelques veuves et
des domestiques dans la rue des Moulins
et en haut de la Montée du Petit-Genève.
La même famille exploite souvent deux
moulins en même temps. Entre ces meuniers propriétaires et les meuniers locataires,
soumis à un propriétaire et à un seigneur,
l'écart social est assez grand. C'est sans
doute pourquoi les meuniers de Saumur ne se
sont jamais réunis en une jurande professionnelle de type corporatif.
Les meuniers ont la réputation d'être
combinards. Ils garderaient pour salaire
un peu plus du 1/16 ème du grain remis, ce qui constitue leur rétribution normale
( Réglementation, A.M.S., HH 3 ).
A partir du moment où ils ont été
autorisés à tamiser, ils auraient joué sur les pourcentages de son. Ces insinuations sont invérifiables.
Il reste certain que les meuniers font de
meilleures affaires que les boulangers, qui sont partiellement sous leur dépendance.
Leurs réserves de grains sont stockées
dans les salles voûtées des moulins.
En période de disette, c'est là que les
autorités dressent l'état des provisions.
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